En randonnée sur un GR, lors d’un bivouac en montagne ou au cours d’une expédition en terrain reculé, l’urgence médicale prend une dimension particulière. L’éloignement des secours impose à chaque pratiquant d’être le premier maillon de la chaîne de secours. Mais lorsque la gravité de la situation dépasse les capacités du groupe, l’intervention de secouristes professionnels spécialisés en milieu isolé devient indispensable, avec ses propres exigences techniques et logistiques.
Sommaire
Les premiers secours en autonomie outdoor
Réalité des urgences outdoor
Dans 95% des situations rencontrées en milieu naturel, une formation de base et un équipement standard suffisent à stabiliser la victime. Les cas les plus fréquents incluent :
- Traumatismes : entorse de la cheville sur un sentier rocailleux, fracture après une chute lors d’une via ferrata, plaie profonde provoquée par un couteau de camp.
- Malaises environnementaux : hypothermie lors d’un bivouac humide, coup de chaleur en randonnée estivale, déshydratation pendant une traversée désertique.
- Épuisement : malaise vagal après une montée abrupte, hypoglycémie chez un randonneur mal alimenté.
- Accidents de terrain : glissade sur névé, coincement dans un pierrier.
Premiers secours avec les moyens du bord
L’efficacité des premiers gestes repose sur la simplicité et l’adaptabilité. Exemple concret : lors d’une fracture de jambe en montagne, il est possible d’utiliser deux bâtons de marche et une ceinture pour improviser une attelle. Un matelas de sol peut servir de brancard d’appoint pour déplacer la victime sur quelques mètres.
Tableau d’équivalence matériel de randonnée / secours :
Matériel de randonnée |
Usage détourné en secours |
Bâtons de marche |
Attelle d’immobilisation |
Sangles de sac |
Lien de contention ou garrot |
Matelas de sol |
Brancard d’urgence |
Tente/bâche |
Abri médical improvisé |
Réchaud |
Source de chaleur pour hypothermie |
L’évaluation initiale doit vérifier la conscience, la respiration et la circulation. L’alerte peut être donnée via téléphone portable (si réseau), balise de détresse (ex : PLB Spot, Garmin InReach), ou signaux visuels (miroir, sifflet).
Limites des premiers secours outdoor
Certaines situations dépassent rapidement les compétences et les moyens du groupe :
- Traumatismes graves : fracture ouverte, traumatisme crânien avec perte de connaissance.
- Détresses vitales : arrêt cardiaque, insuffisance respiratoire, hémorragie incontrôlable.
- Pathologies complexes : suspicion d’AVC, infarctus du myocarde, coma.
- Evacuation impossible : victime immobilisée dans une zone inaccessible ou trop lourde à transporter.
Dans ces cas, la rapidité de l’alerte et la capacité à maintenir la victime en vie jusqu’à l’arrivée des secours sont déterminantes.
Quand faire appel aux secours professionnels
Critères d’alerte immédiate
L’intervention des secours spécialisés est impérative dans les situations suivantes :
- Perte de conscience prolongée ou récidivante
- Détresse respiratoire (gêne majeure, cyanose)
- Douleurs thoraciques intenses et persistantes
- Traumatisme avec déformation évidente ou impotence totale
- Hémorragie non contrôlée après 10-15 minutes de compression
- Impossibilité de déplacer la victime sans aggraver son état
Exemple : Un grimpeur chute en falaise, reste inconscient plusieurs minutes et présente une déformation du fémur. L’appel aux secours doit être immédiat.
Situations spécifiques au milieu outdoor
- Accidents en paroi : nécessitent des techniques de secours en verticalité (tyrolienne, hélitreuillage).
- Avalanche : ensevelissement partiel ou total, risque d’hypothermie et de détresse respiratoire.
- Morsures venimeuses : vipère, scorpion, nécessitant une surveillance médicale et parfois un antidote.
- Traumatismes multiples : accident de groupe lors d’un éboulement, gestion de plusieurs blessés simultanément.
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L’intervention des secours en milieu isolé
Organisation et défis
Les secours en milieu isolé mobilisent plusieurs acteurs :
- PGHM (Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne) : interventions techniques en montagne, hélitreuillage.
- CRS Montagne, Sapeurs-pompiers spécialisés : secours en moyenne montagne, accès tout-terrain.
- SAMU/SMUR : médicalisation sur place, réanimation, transport médicalisé.
Contraintes majeures :
- Accessibilité : marche d’approche longue, nécessité d’hélitreuillage.
- Conditions météo : vent fort, brouillard, neige rendant l’intervention dangereuse.
- Terrain : pentes raides, forêts denses, glaciers.
- Portage du matériel : limitation du poids, sélection stricte de l’équipement.
- Autonomie : gestion des vivres, de l’eau et du matériel médical pour plusieurs heures.
Matériel et techniques
L’équipement professionnel est conçu pour l’efficacité et la robustesse :
- Diagnostic : moniteurs portables, oxymètres résistants, thermomètres étanches.
- Soins : matelas coquille à dépression, attelles gonflables, solutés chauffés, défibrillateur étanche.
- Réanimation : oxygène portable, médicaments d’urgence (antalgiques puissants, corticoïdes, adrénaline).
Exemple : Lors d’un accident d’alpinisme, l’équipe utilise un matelas à dépression pour immobiliser un blessé polytraumatisé avant l’évacuation héliportée.
Evacuation et délais
L’évacuation dépend du contexte :
- Héliportage : rapide, direct vers l’hôpital, mais dépendant de la météo et du relief.
- Evacuation terrestre : plus lente, nécessite portage ou brancardage sur sentier.
- Evacuation mixte : portage manuel jusqu’à une zone accessible à l’hélicoptère.
Délais typiques :
- Déclenchement : 15 à 30 minutes après l’alerte
- Acheminement des secours : 1 à 4 heures selon l’isolement
- Intervention sur place : 30 minutes à 2 heures
- Evacuation : 1 à 6 heures selon les conditions
Prévention et préparation
Prévention des accidents
La meilleure intervention reste la prévention. Avant chaque sortie :
- Planification : étude de l’itinéraire, points de repli, météo, durée estimée.
- Équipement : vêtements adaptés, trousse de secours complète, moyens de communication fiables.
- Formation : recyclage régulier aux gestes de premiers secours, sensibilisation aux risques spécifiques du milieu.
Exemple : Avant une traversée de massif, le groupe définit un plan d’urgence, identifie les points de réseau téléphonique et répartit les rôles en cas d’accident.
Préparation à l’urgence
Chaque sortie doit intégrer :
- Une trousse de secours adaptée à l’activité et au nombre de participants
- Un moyen d’alerte efficace (téléphone, balise PLB)
- Un plan d’urgence écrit : contacts, points de rendez-vous, coordonnées GPS
- Une formation minimale du groupe : gestes qui sauvent, procédures d’alerte

Collaboration avec les secours
Pour optimiser l’intervention professionnelle :
- Fournir une localisation précise (coordonnées GPS, description du site)
- Détail de l’accident et état de la victime
- Préparer la zone d’atterrissage ou faciliter l’accès
- Assister au portage ou à la sécurisation du site
Conclusion
Le secourisme en milieu isolé repose sur la complémentarité entre l’autonomie des pratiquants et l’expertise des secours professionnels. Maîtriser les gestes de base, savoir utiliser son matériel de randonnée en situation d’urgence, et surtout reconnaître ses limites pour déclencher l’alerte à temps sont les clés d’une prise en charge efficace.
Pour les professionnels, l’adaptation permanente aux contraintes du terrain, la gestion de l’autonomie et la coordination des moyens sont essentielles.
La réussite d’une intervention dépend de la préparation, de la formation et de la capacité à travailler en synergie à chaque maillon de la chaîne de secours.